Le Botswana a longtemps été synonyme de diamants : une terre où l’éclat des pierres extraites a financé écoles, routes, stabilité de l’État et confiance des investisseurs. Au cours des deux dernières décennies, le pays a été l’une des success stories discrètes de l’Afrique, affichant une croissance régulière et demeurant largement exempt de dettes. Entre 2000 et 2019, la croissance annuelle du PIB s’est établie en moyenne autour de 4 à 5 %, tandis que la dette publique est restée inférieure à 20 % du PIB, une rareté sur le continent. Cette gestion prudente de la richesse diamantifère a permis au Botswana d’éviter les écueils de la mauvaise gestion des ressources observée ailleurs. Pourtant, aujourd’hui, les revenus s’affaiblissent, les marges budgétaires s’amenuisent et l’économie est plus exposée aux chocs qu’à tout autre moment de son histoire récente.
La montée des diamants de laboratoire a accentué ces pressions. En 2024, Debswana Diamond Company, une société minière détenue par le gouvernement du Botswana et le groupe De Beers, a vu ses ventes de diamants bruts plonger de près de 48,3 % au premier trimestre, passant d’environ 1,085 milliard de dollars US à 560,9 millions de dollars US. (Reuters) Les pierres naturelles perdent du terrain face aux synthétiques, commercialisées comme moins chères et plus durables. Ce basculement a réduit les recettes d’exportation de diamants, qui fournissaient autrefois environ 75 % des devises étrangères et plus de 30 % des recettes publiques, alimentant directement l’élargissement des déficits budgétaires et les dégradations de crédit.
En février 2025, le Botswana et De Beers ont signé un nouvel accord de vente qui augmente progressivement la part de l’État dans la production brute de Debswana, passant de 25 % à 50 % au cours de la prochaine décennie, tout en prolongeant les droits miniers jusqu’en 2054. (Reuters) L’accord souligne la détermination de Gaborone à capter davantage de valeur localement, alors même que les diamants naturels font face à des vents contraires structurels à long terme.
Les agences de notation tirent la sonnette d’alarme
La tension est visible dans les notations de crédit. Le 4 avril 2025, Moody’s Ratings a révisé la perspective du Botswana de « stable » à négative, citant la récession prolongée du diamant, la baisse des revenus et l’augmentation de la dette. (Bank of Botswana) Le déficit budgétaire s’est creusé à 9 % du PIB, soit près du double de l’année précédente. S&P Global a suivi en septembre, abaissant la note du Botswana à BBB avec une perspective négative. Les prévisions du FMI indiquent une légère contraction en 2025, autour de −0,4 %. (Reuters)
Le Fonds souverain : un pivot stratégique
En réponse, le gouvernement a lancé le Botswana Sovereign Wealth Fund Limited (BSWFL) en septembre 2025, distinct de l’ancien Pula Fund qui a été épuisé. (Reuters) Son mandat est de diversifier les revenus, préserver le capital et gérer les actifs publics, avec le pouvoir d’investir tant au niveau national qu’international. Les retraits sont limités aux rendements des investissements, et non au capital. La gouvernance repose sur un conseil d’administration présidé par Farouk Gumel, mêlant expertise locale et internationale. De manière cruciale, le fonds est conçu pour soutenir la diversification vers les énergies renouvelables, les infrastructures, les PME, le tourisme et les industries numériques, des secteurs mieux alignés sur le boom démographique de l’Afrique. En complément de l’accord avec De Beers et du rôle élargi de l’ODC en matière de commercialisation, il marque un passage d’une gestion de crise à court terme à la construction d’une résilience à long terme. Comme le fonds pétrolier de la Norvège (Norges Bank Investment Management) ou le Mubadala des Émirats arabes unis, son succès dépendra d’une gouvernance stricte et d’investissements créateurs d’emplois qui prépareront l’économie à l’ère post-diamant.
Sur le terrain, Debswana a déjà réduit sa production de 27 %, à 17,93 millions de carats en 2024. Okavango Diamond Company, dont la part de production augmente dans le nouveau cadre, intensifie les enchères et renforce sa capacité marketing. Ces évolutions illustrent comment les acteurs du secteur s’adaptent tandis que la réforme gouvernementale jette les bases de la résilience.
Perspectives d’avenir
Les institutions du Botswana restent solides, mais l’économie fait face à des lacunes structurelles : traitement en aval limité, pénurie de main-d’œuvre qualifiée et financement restreint. Sans diversification, la croissance risque de ralentir jusqu’à la stagnation. Ce n’est pas seulement le défi du Botswana. Partout en Afrique, où l’âge médian est inférieur à 20 ans, des millions de jeunes rejoignent chaque année la population active. La dépendance aux ressources ne peut à elle seule fournir les emplois, les soins de santé et l’éducation nécessaires au maintien de la stabilité.
Les risques sont significatifs. Les diamants synthétiques érodent les marchés naturels, la demande mondiale reste fragile et les pressions sur la dette s’accroissent. Mais le Botswana agit.
Le fonds souverain, le rôle élargi de l’Okavango Diamond Company et les accords révisés avec De Beers reflètent tous une détermination à façonner son propre avenir. Cette détermination a pris un nouvel élan avec un rapport de Bloomberg publié aujourd’hui (23 septembre 2025), dans lequel le président Duma Boko a exposé l’intention du Botswana d’acquérir une participation majoritaire dans De Beers.
Le défi le plus important, cependant, n’est pas simplement de sécuriser les diamants, mais de transformer la richesse minérale en une plateforme de prospérité plus large. Le succès dépendra de la capacité des réformes actuelles à stimuler la diversification vers des industries capables d’employer la prochaine génération et de maintenir la stabilité sociale. Pour les citoyens, cela signifie de nouveaux emplois, des soins de santé fiables et une éducation de qualité soutenus par la croissance du tourisme, des énergies renouvelables et des services numériques. Pour l’Afrique, le parcours du Botswana envoie un message plus large : les nations riches en ressources peuvent aller au-delà de l’extraction, capter davantage de valeur et définir leurs propres conditions dans l’économie mondiale. Si le Botswana concrétise cette vision, il ne garantira pas seulement son propre avenir, mais offrira également un modèle à d’autres nations africaines cherchant à transformer la richesse en ressources en prospérité durable.
Sources :
- Reuters : Botswana’s Debswana diamond sales fall 48% in first quarter 2024
- Reuters : Botswana signs long-delayed diamonds deal with De Beers
- Bank of Botswana : Moody’s Rating Action on Botswana, April 2025
- S&P Global : Botswana Sovereign Credit Rating, September 2025
- Reuters : Botswana slashes growth forecast amid prolonged diamond downturn
- Reuters : Botswana launches new wealth fund to drive diversification, create jobs
- Reuters : Botswana’s Debswana curbs diamond production as weak demand persists
- Bank of Botswana : The Pula Fund overview