En novembre 2024, l’Égypte a franchi une étape historique : la certification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme pays exempt de paludisme. Cette désignation, accordée à seulement 44 pays et un territoire dans le monde, souligne la lutte de près d’un siècle de l’Égypte contre une maladie qui représentait autrefois une menace majeure pour sa santé publique et sa productivité économique.
Le paludisme reste l’une des maladies les plus meurtrières au monde, infectant plus de 200 millions de personnes chaque année et causant plus de 600 000 décès. Selon l’OMS, 95 % des cas et des décès dus au paludisme surviennent en Afrique, les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes étant les plus touchés. La maladie prospère dans les climats tropicaux, où la pauvreté, l’accès limité aux soins de santé et une infrastructure inadéquate exacerbent ses effets.
En 2024, l’Égypte est devenue l’un des cinq pays africains – rejoignant Maurice, le Maroc, l’Algérie et le Cap-Vert – à recevoir cette certification. Ce statut signifie que la transmission indigène du paludisme a été interrompue pendant au moins trois années consécutives et que l’Égypte a démontré sa capacité à empêcher sa réapparition.
Le parcours de l’Égypte contre le paludisme
1920-1930 : les premières actions de contrôle
Dans les années 1920, le paludisme représentait une grave menace, en particulier dans les zones rurales. Les efforts gouvernementaux visant à assécher les marais et à éliminer les sites de reproduction des moustiques ont marqué le début d’une lutte qui durerait près d’un siècle.
1940-1950 : introduction du DDT et collaboration régionale
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les cas de paludisme ont atteint près de 30 000 par an en raison des perturbations généralisées. En réponse, l’Égypte a adopté le DDT pour la pulvérisation résiduelle intérieure, une avancée majeure dans le contrôle des vecteurs. En 1955, le pays a rejoint le programme mondial d’éradication du paludisme de l’OMS, renforçant sa collaboration avec ses voisins, notamment le Soudan, pour coordonner les efforts transfrontaliers et partager les données épidémiologiques.
1960-1980 : réduction significative des cas
La pulvérisation systématique, la surveillance renforcée et les traitements efficaces ont réduit considérablement les cas. Dans les années 1970, le nombre de cas annuels est tombé à moins de 1 000, soutenu par des partenariats transfrontaliers avec le Soudan et la Libye.
1990-2000 : surveillance accrue et initiatives internationales
Dans les années 1990, l’Égypte a mis en place des systèmes de surveillance épidémiologique avancés pour détecter rapidement les cas, en particulier dans les régions frontalières. Elle a également collaboré avec le Partenariat Roll Back Malaria (RBM), alignant ses stratégies avec celles des pays voisins pour prévenir une résurgence de la maladie.
2014 : réponse rapide aux cas locaux
Lorsque des cas indigènes de paludisme sont apparus dans la région d’Assouan en 2014, l’Égypte a réagi rapidement. Les autorités ont intensifié la surveillance, effectué des pulvérisations ciblées et distribué des moustiquaires imprégnées d’insecticide. Une étroite coordination avec le Soudan a permis de contenir l’épidémie.
Depuis 2016 : efforts soutenus et collaboration régionale
Depuis 2016, l’Égypte a maintenu une surveillance rigoureuse, formé des travailleurs de la santé et mené des campagnes de sensibilisation dans les zones à risque élevé. Ces efforts, combinés à des collaborations transfrontalières, ont conduit à la certification de l’OMS en 2024.
Source :
Évolution du paludisme en Égypte
Note : Les données de ce graphique sont estimées et destinées à des fins d’illustration, basées sur les tendances historiques du paludisme et les progrès rapportés par l’OMS en Égypte.
Le modèle égyptien : intégré et collaboratif
Le succès de l’Égypte dans la lutte contre le paludisme illustre la puissance d’une approche intégrée. Le pays a combiné plusieurs stratégies : pulvérisation d’insecticides, assèchement des zones humides, distribution de moustiquaires et traitements antipaludiques. Ces efforts ont été soutenus par des services de santé renforcés, permettant à un plus grand nombre d’accéder aux tests et aux traitements.
Le leadership du gouvernement égyptien a joué un rôle crucial. Des investissements importants dans la santé publique, notamment le financement des programmes de lutte contre le paludisme, ont démontré son engagement à éradiquer la maladie. Des campagnes de sensibilisation ont permis d’éduquer les communautés sur la prévention et l’importance d’un traitement précoce, les incitant à agir contre la maladie.
Les partenariats avec des organisations internationales, telles que l’OMS et le Partenariat RBM, ont été essentiels. Ces collaborations ont donné à l’Égypte accès à des conseils d’experts, des connaissances partagées et des stratégies efficaces. Le pays a également travaillé en étroite collaboration avec ses voisins pour coordonner les efforts transfrontaliers, partageant données et actions pour stopper la propagation du paludisme.
Impact socio-économique : au-delà de la santé
L’élimination du paludisme a entraîné des avantages socio-économiques profonds :
- Réduction des coûts de santé : Moins de dépenses pour les familles et le gouvernement.
- Amélioration de l’éducation : Les enfants manquent moins de jours d’école en raison de maladies.
- Augmentation de la productivité agricole : Une main-d’œuvre en meilleure santé produit davantage.
Une feuille de route pour l’Afrique
En 2023, l’Afrique représentait 94 % des cas de paludisme dans le monde, touchant 246 millions de personnes et causant 569 000 décès. Près de 80 % des décès concernaient des enfants de moins de cinq ans.
Le succès de l’Égypte prouve que l’élimination du paludisme est possible grâce à un leadership fort, une implication communautaire active et une planification stratégique. Les pays africains peuvent s’inspirer de cette approche en l’adaptant à leurs défis spécifiques.
Opportunités technologiques émergentes
Les technologies comme l’intelligence artificielle (IA) offrent des solutions prometteuses : détection précoce des épidémies, diagnostic amélioré, interventions personnalisées et optimisation des ressources.
En s’appuyant sur ces innovations, les gouvernements, les ONG et les communautés peuvent bâtir un avenir sans paludisme, où chaque vie, en particulier celle des plus vulnérables, est protégée.
Inspirés par le parcours de l’Égypte, nous pouvons rêver d’une Afrique libérée du paludisme, où aucune vie n’est perdue à cause de cette maladie évitable.
Sources et références :
- Organisation mondiale de la santé (2024). « L’Égypte certifiée exempte de paludisme par l’OMS ».
- Organisation mondiale de la santé (2024). Fiche d’information sur le paludisme.