La ruée vers l’or numérique en Afrique : comment les centres de données alimentent une nouvelle économie

À la lisière du quartier des affaires de Johannesburg, un bâtiment sans apparence particulière bourdonne doucement. À l’intérieur, de l’air frais et des rangées de serveurs clignotants battent la mesure comme un cœur. C’est le nouveau centre de données africain de Visa, un investissement d’un milliard de rands (environ 57 millions de dollars) qui maintient les transactions africaines sur le sol africain, accélère les paiements, réduit les coûts et renforce la sécurité.

C’est l’un des nombreux signaux qu’une nouvelle forme de ruée vers l’or est en cours. Cette fois, le prix n’est pas enfoui dans le sol mais circule dans des câbles à fibre optique et des salles climatisées. De Lagos à Nairobi, des entreprises privées construisent l’ossature d’une économie numérique qui pourrait façonner la croissance du continent pendant des décennies.

Visa n’est pas seule. Microsoft investit 5,4 milliards de rands (environ 297 millions de dollars) pour étendre les infrastructures prêtes pour le cloud et l’intelligence artificielle en Afrique du Sud et financer des examens de certification pour 50 000 personnes dans les compétences techniques (Microsoft Newsroom). En Afrique de l’Ouest, MainOne (désormais filiale d’Equinix) agrandit ses installations à Lagos pour soutenir la demande en fintech, e-commerce et streaming. Teraco, le plus grand opérateur de la région, continue de se développer à Johannesburg et au Cap.

La raison est simple : la demande explose. L’usage d’internet mobile croît rapidement, plusieurs sources indiquant une augmentation de la consommation de données d’environ 40 % par an (Reuters). D’ici 2030, l’Afrique pourrait compter plus d’un milliard de connexions mobiles, renforçant la nécessité d’avoir des capacités de calcul et de stockage à proximité pour maintenir la réactivité et l’accessibilité des applications. L’hébergement local aide également les organisations à se conformer aux réglementations en matière de protection des données, notamment la loi sur la protection des données du Kenya et celle du Nigeria.

Le capital privé donne le rythme, mais les gouvernements définissent encore les règles du jeu. Les lois sur la protection des données, les incitations fiscales, la fiabilité du réseau électrique et les zones économiques spéciales influencent l’implantation des infrastructures et la rapidité de leur montée en puissance. La différence entre un hub florissant et une opportunité manquée réside souvent dans la stabilité des politiques et de l’approvisionnement énergétique.

Les financements du développement contribuent à élargir la carte. En avril 2025, la Société Financière Internationale (IFC) a engagé 100 millions de dollars au profit du groupe Raxio pour construire des installations en Éthiopie, en Angola, en Côte d’Ivoire, au Mozambique, en RDC et en Ouganda — son plus grand investissement dans les infrastructures numériques en Afrique à ce jour. Ce type de réduction du risque permet aux marchés émergents de rejoindre plus rapidement l’économie numérique.

L’ampleur de l’opportunité est frappante. L’Afrique dispose d’environ 307 MW de capacité opérationnelle de centres de données — soit moins de 2 % du total mondial. Répondre à la demande d’ici 2030 nécessitera probablement 1 000 MW ou plus répartis dans des centaines de nouvelles installations. Le sentiment du secteur va dans le même sens, les opérateurs annonçant une expansion continue plutôt qu’un ralentissement (Energy News Network).

Les retombées dépassent largement l’amélioration de la vitesse des applications. Les centres de données créent des emplois pendant la construction et l’exploitation — techniciens, ingénieurs réseaux, responsables d’infrastructures, spécialistes en cybersécurité. Ils permettent également l’émergence d’écosystèmes entiers : services cloud, startups en intelligence artificielle, BPO, médias numériques, fintech. C’est essentiel car la population africaine en âge de travailler devrait connaître une forte progression jusqu’au milieu du siècle. L’ONU prévoit que la population âgée de 20 à 64 ans représentera près d’un quart de la population active mondiale d’ici 2050 (UNECA). Si les gouvernements alignent l’éducation et la formation sur les besoins de ce secteur, les infrastructures numériques pourront absorber une partie de cette jeunesse et augmenter les revenus.

Des obstacles existent néanmoins. Construire un site de norme Tier III peut coûter plus de 10 millions de dollars par mégawatt, et la volatilité des devises peut compliquer les financements. L’électricité constitue aussi une contrainte : ces installations ont besoin d’un approvisionnement fiable, idéalement à partir de sources renouvelables afin de maîtriser les coûts et d’assurer la durabilité (Energy News Network). Le vivier de talents reste limité, même si des initiatives comme le programme de formation de Microsoft vont dans la bonne direction.

L’Afrique a déjà connu de tels tournants. Dans les années 2000, le téléphone mobile a remodelé les marchés et placé des industries entières sur de nouvelles trajectoires. Les pays qui ont pris de l’avance en ont tiré des avantages durables. Le même phénomène pourrait se reproduire aujourd’hui. Les serveurs qui ronronnent à Johannesburg, Lagos, Nairobi et ailleurs peuvent sembler insignifiants de l’extérieur. À l’intérieur, ce sont des moteurs de croissance — et une chance pour le continent de conserver davantage de la valeur qu’il génère.

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